Memento mori, ou « Souviens-toi que tu vas mourir », trouve son origine dans l’Antiquité romaine. Cette locution latine était prononcée par un esclave qui se tenait debout derrière le général victorieux lors de la cérémonie du triomphe dans les rues de Rome. Tout auréolé de gloire et de succès, le général gardait ainsi la tête froide…
Si ancien soit-il, ce memento mori n’a rien perdu de sa force évocatrice puisqu’il nous rappelle en effet que les moments de liesse n’excluent pas les revers de fortune, et que la mort peut surgir à tout moment.
A y réfléchir de plus près, la mort est le moment ultime, l’instant décisif qui met toute l’humanité sur un pied d’égalité : les riches comme les pauvres, les malades comme les bien-portants, les jeunes comme les vieux, les imbéciles, les intelligents, les moches, les beaux, les lâches, les braves, etc. tous, nous finirons un jour par manger les pissenlits par la racine, y compris les irréductibles de la côte de bœuf, sauce béarnaise.
Dans notre société passionnée d’égalité, la mort devrait être encensée, méditée, portée au pinacle pour nous inciter à nous rendre meilleurs, en ne sacrifiant jamais l’essentiel au contingent, en privilégiant notre part d’humanité au détriment du matériel et du superflu.
Au Moyen-Âge, les moines trappistes creusaient et rebouchaient leur tombe chaque jour pour se pénétrer de la mort. Sans aller jusque-là, il n’est pas inutile de se dire que vivre, c’est aussi apprendre à mourir.
Dans nos sociétés modernes, individualistes et mercantiles, un tel geste est tout simplement inconcevable. Aujourd’hui on évacue la mort de l’espace public ; on la dissimule, on l’euphémise… D’un tel qui vient de mourir, on dit : « Il est parti », « Il nous a quittés », « Il s’en est allé », bref, son cadavre est froid comme un glaçon mais dans notre imaginaire il continue de siffler la Javanaise…
Bon, d’accord, j’exagère un brin, mais je trouve plutôt salvateur d’apprivoiser la mort, d’en faire un compagnon de route, voire une amie, puisque de toute façon, ici-bas, le mot « fin » lui appartient, et qu’on aura beau s’en indigner, on ne pourra rien y changer.

Pour ce dessin, je me suis inspiré d’une représentation d’un crâne cerné par une forêt dense et sombre, dans un style très gothique, mais que j’ai remplacé par une forêt de gratte-ciel, plantée sur le sommet du crâne, afin d’évoquer le dérisoire de nos vanités, tout en rappelant que si haut qu’on puisse monter on finit toujours par descendre (ou « des cendres » – ce qui finalement revient au même…).
Pendant que la marée monte
Et que chacun refait ses comptes
J’emmène au creux de mon ombre
Des poussières de toi
Le vent les portera
Tout disparaîtra mais
Le vent nous portera
La dernière strophe de la très mélancolique chanson de Noir Désir « Le Vent Nous Portera » est selon moi une excellente illustration de cette antique et indémodable locution.
Méditativement vôtre.